MARCVS AVRELIVS PROBVS, Empereur Romain de Juin/Juillet 276 ap. J.-C. à Septembre 282 ap. J.-C.


"Tous ceux qui ont parlé de lui ont pris soin d'observer qu'il possédait éminemment dans ses mœurs la probité qu'exprime son nom." Abbé Crevier
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Bienvenue à tous les passionnés de monnaies romaines et à tous les novices en numismatique.
Ce blog est destiné à faire découvrir les monnaies romaines de l'empereur PROBUS et permettra d'en connaitre le monnayage dans son ensemble. Au fil des articles, vous y découvrirez les monnaies de ma collection pour lesquelles les commentaires vous éclaireront sur leur iconographie mais aussi retraceront l'histoire passionnante de cet empereur militaire. La publication de monnaies inédites complètera ce travail.
Bonne lecture à tous.

PROBUS COINS

Welcome to all lovers of Roman coins and all numismatic novices. This Blog will explore Emperor PROBUS's Roman coins and understand its currency. Through articles, you'll find these coins in my collection and their reviews will tell you about their iconography, as well as the fascinating history of this military emperor. The publication of unpublished coins will complete this work. Happy reading.

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CARTE DE SITUATION DES ATELIERS MONETAIRES SOUS PROBUS

CARTE DE SITUATION DES  ATELIERS MONETAIRES  SOUS PROBUS

jeudi 31 décembre 2009

3 - L'égide sur les bustes en nudité héroique de PROBUS


L'égide (Aegis), dont le sens premier signifie "peau de chèvre", devient un attribut impérial par assimilation avec la peau de la chèvre Amalthée, qui avait allaité Jupiter dans son enfance. Ce dernier s'en servit comme d'une arme dans la guerre contre les Titans. Cette peau est souvent bordée de serpent et devient tour à tour une arme offensive et défensive. On retrouve l'égide sur les représentations de Minerve comme un long manteau, lui couvrant la poitrine et tombant derrière le dos jusqu'au genoux. Mais les sculpteurs grecs la transforment en une petite cuirasse élégante, couverte d'écailles imitant une armure et décorée en son centre d'une tête de gorgone. Plus tard, on employa le même mot pour désigner la cuirasse ordinaire portée par les empereurs romains quand elle était décorée sur le plastron d'une tête de méduse.

       Ticinum, 276 ap. J.C., inédit RIC n°435 var

On observe quelquefois sur les Aureliani de Probvs des bustes portant l'égide. En effet, la représentation de l'égide avec un Gorgonéion (tête de gorgone) en son centre se généralise à partir du règne de Gallien. Cette tête représentée sur les cuirasses des bustes monétaires semble elle aussi acquérir la même valeur que l'égide, emblème de pouvoir universel, transmis à l'empereur par Jupiter. L'attribut de Jupiter devient un insigne de la puissance souveraine. Il est à noter que contrairement à toutes les autres représentations de bouclier qui sont de forme circulaire (clipeus), la représentation de l'égide se caractérise par  une forme presque rectangulaire, sanglée à l'épaule droite, recouvrant  le torse nu et  l'épaule gauche.

  Ticinum, 277 ap. J.C., RIC n°351

Ce type d'égide sur les bustes monétaires est noté "Moyenne égide de type B" dans la classification de P. Bastien : Cette représentation s'inspire des camées d'Auguste (cf photo ci-dessous), s'inspirant eux aussi des pierres gravées hellénistiques. Les scalpatores des empereurs Illyriens ont donc suivi une tradition dans la représentation de l'égide remontant à la période hellénistique qui s'était implanté à Rome dès le début de l'empire.

Camée Strozzi représentant Auguste avec l'égide (British Museum)

Traduire Aegis par bouclier, c'est introduire une idée tout à fait éloignée du sens originel du mot. Car toutes  les représentations qui portent cette égide sur la poitrine dans les œuvres de l'art antique sont aussi munies d'un bouclier bien distinct. Les passages dans les textes antiques où on suppose qu'il est fait allusion à une arme défensive de la nature du bouclier se rapporte en fait au long manteau de peau de chèvre qui était ramené sur le bras gauche : recouvrant le bras, il protégeait alors comme un bouclier.

B - PROBUS délivre la Gaule des barbares Germains (Septembre 276 ap. J.C.-Eté 278 ap. J.C.)


La première tache de Probus devenu empereur (Septembre 276 ap. J.C.) est de revenir sur Rome pour obtenir la confirmation de sa nomination autrement que par un échange de lettre avec le Sénat: il tient aussi à s'assurer de la fidélité des légions anciennement sous le commandement de Florien et à régler le problème des invasions de la Gaule par les Francs au Nord et par les Alamans plus au Sud.
Il part du sud de la Turquie, récupère ses troupes en Syrie, passe le Bosphore (ou les Dardanelles) et s'arrête à Cyzique  durant tout l'hiver 276 ap. J.C., ville dans laquelle il est accueilli glorieusement. Il reprend le départ début 277 ap. J.C pour Serdica (où il arrive en Mars 277 ap. J.C.) et passe aussi à Siscia. Il atteint Rome vers Juin-juillet 277 ap. J.C. où  il est accueilli en héros.
Mais Probus tient aussi à venger la mort d' Aurélien et de Tacite. Zosime nous raconte (Histoire nouvelle, I, LXV, 2) que tous les criminels furent réunis, sous le prétexte d'un repas que l'empereur donnait chez lui. Au cours du repas, Probus se retira et à son signal, ses gardes les massacrèrent tous. L'un d'eux réussit à s'enfuir mais pour une courte durée car il fut rattrapé et brulé vif. Mais ce passage de son histoire me paraît trop exagéré pour un empereur aussi magnanime que Probus. Il pardonna aux partisans de Florien (Volpiscus, 13) les trouvant excusables de s'être ralliés au frère de leur empereur.

Après avoir rétabli la paix sur la frontière orientale de l'empire, Probus voulut s'occuper de la frontière occidentale sur le Rhin car les incursions en Gaule des barbares Germains (Francs, Burgondes, Vandales et autres nations germaniques) causaient la ruine de ces régions. Personne ne semblait devoir leur résister. Ainsi, ces peuples ne se contentaient pas de ravager les campagnes mais ils s'emparaient aussi des villes et semblaient vouloir s'installer à demeure dans le pays. Probus voulut mettre fin à ces espérances et partit avec ses troupes les combattre. Il passe les Alpes fin 277 ap. J.C. et installe son quartier général à Lyon ou il passera l'hiver.

Au Printemps 278 ap. J.C., il divise ses forces en deux: une partie part vers la Narbonaise et l'Espagne et l'empereur part avec l'autre contingent vers le Nord afin de repousser les Germains au delà du Rhin. Zosime nous rapporte dans les narrations des exploits  impériaux que trois batailles furent gagnées par lui-même et ses lieutenants: la première sur les Lygiens, la deuxième sur les Francs et la troisième sur les Burgondes et les Vandales près du Rhin. Volpiscus nous apprend aussi que l'empereur tua un grand nombre de barbares (près de 400 000 hommes) et libéra près de 70 villes qu'ils avaient envahies.
Rome, 281 ap.J.C., ( 6eme émission,1ere officine)

Probus passa le Rhin et les obligea à reculer encore au delà de l'Elbe, les chassant hors de la Gaule, depuis Mayence jusqu'au Jura Souabe (Histoire Auguste, Probus, XIII,7). Lors de cette avancée, il ramassa  un joli butin de guerre et tua encore un grand nombre de barbares, payant une pièce d'or chaque tête qu'on lui ramenait. L'Histoire Auguste nous rapporte que neuf rois résolurent à se soumettre en lui demandant la paix. Probus aurait souhaité désarmer ces peuples Germains si belliqueux mais les conditions étaient trop humiliantes et compliquées : faire de la Germanie une province romaine aurait nécessité de les contraindre par la force et laisser beaucoup trop de troupes d'occupation pour réduire à l'obéissance un pays si vaste. Il exigea alors que les barbares devraient rendre leur butin pris en Gaule, imposant une redevance annuelle et des dédommagements des frais de guerre sous forme de blé et de bestiaux. Enfin, il ordonna aux Germains de lui fournir 16 000 hommes parmi les plus braves et les plus jeunes,  pour servir l'armée romaine. Il prit grand soin de les séparer dans les différentes garnisons pour éviter toutes rebellions futures.

Aurélianus frappé à Lyon, 277-278 ap. J.C. (5ème émission, 3ème officine)

Probus écrit dans une lettre au Sénat :

"Messieurs,
Je rends grâce aux dieux immortels, de ce qu'ils ont confirmé par l'événement le jugement que vous avez porté de moi. La Gaule est délivrée, la Germanie subjuguée. Neuf rois sont venus se prosterner à mes pieds ou plutôt aux vôtres. Ordonnez donc de solennelles actions de grâces aux dieux. (...). Nous n'avons laissé aux Barbares vaincus que le sol de leurs terres : tout ce qu'ils possédaient est maintenant à nous. Les campagnes de la Gaule sont labourées par des bœufs Germains : leurs troupeaux servent à notre nourriture leurs haras nous fournissent des chevaux pour la remonte de notre cavalerie, nos greniers sont pleins de leurs blés."

Il établit des camps le long de la frontière romaine et y laisse de valeureux guerriers, leur assignant des terres, des maisons, des greniers et des provisions de toutes sortes afin qu'ils ne manque de rien et puissent intervenir rapidement en cas de soulèvements. Si par la suite il devait y avoir à nouveau des rebellions, barbares, elles ne pourraient  pas s'étendre avec l'ampleur qu'elles avaient atteintes auparavant.

Les prisonniers de guerre furent envoyé en Grande-Bretagne. Cette expédition assez rapide occupa Probus seulement une année après laquelle la Gaule connut la paix: Les cités gauloises firent tresser des couronnes d'or et les offrirent à l'empereur en reconnaissance de ses actions. Probus souhaita qu'elles furent envoyées au Sénat pour y être consacrées à Jupiter et aux autres dieux et déesses. La Gaule libérée, il redescend vers le Sud, repasse les Alpes et arrive en vainqueur à Ticinum en été 278 ap.J.C.


mardi 29 décembre 2009

4 - Revers RESTITVT ORBIS pour l'atelier d'Antioche



Antioche, 280 ap J.C., 2ème émission, 9ème officine

Description :

Avers : IMP C M AVR PROBVS P F AVG, ( L'empereur César Marc Aurèle Probus Pieux et Heureux Auguste), Buste de Probus radié, drapé et cuirassé à droite. (Buste Bastien : A)
Revers : RESTITVT ORBIS // εΔ // XXI , (Le restaurateur du monde). Femme (Tychè, victoire ?) à gauche couronnant l'empereur à droite tenant un globe de la main droite et une lance de la main gauche.
Poids: 4,14g - Diamètre: 21mm - Axe: 12h00 - Référence RIC/925 


Commentaires : 

L'atelier Syrien d'Antioche qui émettait des Aurei et des Aureliani a eu une production assez faible puisqu'elle compte seulement deux émissions : la 1ère émission en 276 avec huit officines et la deuxième émission en 280 ap J.C avec 9 officines.
Les marques d'émissions dans l'ordre des officines sont : A, B, Γ, Δ, ε, ζ, Ζ, H et εΔ. Le signe εΔ désignant la neuvième officine remplace le Θ probablement par superstition car c'est la première lettre du mot grec θανατοζ (mort). Cette pratique superstitieuse est courante à Antioche sur d'autres monnayages. les légendes de droit sont longues et au nombre de 2 : IMP C M AVR PROBVS P F AVG et IMP C M AVR PROBVS AVG.
On note simplement trois revers différents pour les Auréliani de cet atelier, à savoir :
  • CLEMENTIA TEMP ; on note deux iconographies possibles pour cette légende : 
Empereur à gauche portant un sceptre et recevant un globe de Jupiter à droite portant un sceptre ;
Empereur à gauche portant un sceptre et recevant un globe nicéphore de Jupiter à droite portant un sceptre.   
  • RESTITVT ORBIS ; une seule iconographie :
Femme debout à gauche présentant une couronne à l'empereur qui porte un globe et un sceptre.

On peut se poser la question de l'identification de ce personnage féminin couronnant l'empereur. Il pourrait s'agir de la victoire (Tychè). Ce type d' allégorie présente sur le monnayage de Probus rend les honneurs à l'empereur victorieux de ses batailles. Il devient le restaurateur du monde "romain" chassant les barbares des territoires repris.

Antioche, 280 ap. J.C., 2ème émission, 3ème officine
Le portrait de Probus est traité par les graveurs d'Antioche de façon assez rude, avec une arcade sourcilière rigide et un profil très angulaire.

Antioche, 280 ap. J.C., 2ème émission, 8ème officine (Vente Triton VIII, n°2079)

lundi 28 décembre 2009

2 - Les manteaux consulaires sur les bustes de PROBUS



 Bustes consulaires de Probvs : le premier en Toga palmata et le deuxieme en Toga Picta

Il semble utile de donner quelques précisions sur le manteau porté par l'empereur Probus sur les bustes dit "consulaires". Beaucoup de descriptions de monnaies font appel à des termes multiples, pas souvent employés à bon escient, pour qualifier ce manteau : Trabea, Paludamentum, Toga, Vestis.
Le manteau consulaire dérive de la robe triomphale des généraux républicains vainqueurs, elle-même héritage des rois de Rome et des rois Étrusques. Il devient vite un privilège impérial et en dehors de l'empereur, seul les consuls entrant en fonction et les magistrats présidant les jeux eurent le droit de le porter. Primitivement ces vêtements étaient conservés dans le temple de Jupiter Capitolin où le triomphateur venait s'en revêtir avant la cérémonie.
Il semble plus exact de parler de Toga Palmata ou Vestis Palmata ornée d'un Limbus Palmata dans le cas précis où le manteau porte une bande ornée de motifs représentant des palmes et de Toga Picta quand le motif brodé est d'une autre nature. La Toga palmata qui apparaît fréquemment dans la littérature antique exprime l'importance des bandes palmées qui ornaient la toge consulaire et résulte probablement d'une fusion des deux expressions classiques.

Voici quelques définitions trouvées dans le dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines:
  • Trabea selon Daremberg-Saglio : elle est une sorte de toge que l'on compare à la Lanea. Au début portée par les rois (insigne royal), elle est ensuite réservée aux consuls quand ils ouvraient les portes du temple de Janus, aux prêtres Saliens dans la danse des armes, aux chevaliers dans diverses cérémonies. Le port de la Trabea persiste jusque sous le bas-empire. Peut-être ce vêtement se confond-il avec la Vestis Palmata ou Picta. La trabea est orné de bandes : trois sortes de trabées ; celles destinées aux Dieux, entièrement pourpres, celle des rois, pourpre avec une partie blanche, et celle des augures en pourpre et safran.
  • Paludamentum selon Daremberg-Saglio : manteau militaire du Général, insigne du commandement des troupes et du pouvoir suprême. Porté par les empereurs, commandeurs des armées, il est de couleur pourpre.
  • Toga Picta et Palmata selon Daremberg-Saglio : la toge est l'habit distinctif du citoyen romain. La toga picta d'après certaines traditions aurait été introduite à Rome par les Etrusques. il semble qu'elle remonte à un vêtement royal primitif (du genre de cette toga regia undulata que Varron vit dans le temple de la fortune et qu'on disait avoir appartenu à Servius Tullius). C'était une toge brodée, réservée sous la République aux triomphateurs, mais elle ne leurs appartenait pas ; on la gardait dans les trésors de Jupiter Capitolin d'où on ne la tirait que pour les triomphes ou pour en revêtir certains magistrats à l'occasion de cérémonies exceptionnelles. Auguste en fit son costume officiel et la plupart des empereurs jusqu'au IVème siècle. La toga palmata caractérisait primitivement la tunique triomphale que l'on revêtait toujours en même temps que la toga Picta. Les deux épithètes désignaient donc apparemment deux sortes d'ornementation. Palmata Picta des petits motifs d'ornementation (cercles, points, croix, étoiles) brodés ou découpés dans des feuilles d'or.

        Détail d'un buste consulaire avec la Toga Palmata.

Dans le cas précis de Probus, ce manteau est presque toujours associé à un attribut, sorte de sceptre court surmonté d'un aigle que l'on appelle "Scipio". Ce sceptre était tenu par le général victorieux lors du cortège triomphal. Il survivra sous l'empire dans le processus consularis et sera fréquemment représenté sur les bustes monétaire à Trabea.

5 - Une couronne de laurier sur le bouclier de PROBUS



  
  
Description :


 Siscia, 279 ap. J.C, 6eme émission, 6eme officine.


Avers :  IMP C M AUR PROBVS P F AVG, (L'empereur César Marc Aurèle Probus Pieux et Heureux Auguste),  buste radié, casqué, cuirassé de Probus à gauche, tenant une lance de la main droite et un bouclier de la main gauche.(Buste Bastien : E )

Revers :  VIRTVS PROBI AVG // XXIVI (Le courage de l'Auguste Probus), l'empereur à cheval à gauche, tenant une lance dirigée vers un soldat allongé devant. 
Poids: 3,48g - Diamètre: 22mm - Axe: 6h00 - Référence : RIC n°818 Var.
 

Commentaires : 
  
Voici un Aurélianus de Probus de l’atelier de Siscia de 279 ap. J.C (6ème émission, 6ème officine) qui présente la particularité d'avoir comme décoration de bouclier une couronne de laurier pointée. L'iconographie des décorations de bouclier les plus fréquemment rencontrées sont des globules (plus ou moins nombreux), Pégase, une tête de Gorgone, des rosaces, des scènes avec l'empereur à cheval terrassant un ennemi ou l'empereur au galop passant devant des soldats ou encore des rangées de boucliers. 

Le bouclier apparait tardivement sur les bustes monétaires impériaux: Septime Sévère semble être le premier à être représenté avec cet attribut. Son usage dans les représentations se développera sous les règne de Gallien et des empereurs gaulois. Il ne fera que croitre chez leurs successeurs Illyriens comme Probus. L'ornementation du bouclier (Clipeus) ne doit pas être considéré comme une simple décoration destinée à rendre la monnaie plus agréable à l'œil. Dans l'iconographie romaine, elle transmet souvent un message.  Le bouclier est presque toujours associé avec une haste. Les buste à droite sont plus rare que ceux à gauche. 
Cette couronne de laurier présente ici est en effet fort rare. Elle ne se rencontre que sur un seul autre exemplaire semblable provenant des collections de Vienne (Missong 3066). Cette deuxième monnaie connue est issue du même coin de droit que mon exemplaire.

Détail du bouclier


dimanche 27 décembre 2009

1 - La série codée AEQVITI de l'atelier de Rome (7eme émission 282 ap. J.-C.)



Voici un début d'explication sur un lettrage surprenant que nous réserve encore une fois le monnayage de Probus. Un code énigmatique, qui passe inaperçu, apparaissant sur certaines séries de monnaies issues des ateliers de Rome et de Ticinum : ce sont les fameuses séries AEQVITI ou AEQVIT et EQVITI, révélées par Karl PINK.
 A cette époque, les contrôleurs en charge de la monnaie ont initié des codes cachés afin d'avoir un moyen de vérifier la production réelle des auréliani sortant des différents ateliers et peut-être aussi repérer la production de faux monnayage ou de frappes clandestines. Ce code mystérieux, gravé sur les revers des monnaies, assez  discret pour que le citoyen lambda ne puisse le déchiffrer, servait peut-être à quantifier la production de monnaies émises par officine. La marque XXI à l'exergue indique la réforme monétaire instituée par Aurélien, augmentant la teneur en argent fin de sa composition métallique et rétablissant une meilleure qualité de la frappe.
Deux ateliers seulement ont utilisé ces fameux codes : l'atelier de Rome et celui de Ticinum.

  • le code de la 7eme émission pour l'atelier de ROME :

L'atelier de Rome comptait sept officines. Il y eu sept émissions pour Rome. Les études de Karl PINK démontrent que les revers de la 7ème émission de 282 ap. J.C. sont codés : cette émission compte trois lettres à l'exergue. La première lettre est toujours R pour signaler l'atelier de Rome ; La dernière lettre identifie les officines ; elles étaient signalées à l'exergue par sept lettres grecques A, B , Γ, Δ, ε, ς et Z correspondant dans l'ordre aux officines.
Là où réside le code, c'est qu'entre ces deux lettres se trouve une troisième lettre tirée du mot AEQVITI. Par exemple, on retrouve RAA pour la première officine, la première lettre R signifiant Rome, la dernière  lettre  A marquant la première officine et la lettre au milieu A, étant la première lettre tirée du mot servant de codage. REB pour la deuxième officine, R pour Rome, B marquant la deuxième officine et au milieu E  étant la deuxième lettre du mot AEQVITI. Ces monnaies présentent en général le même buste radié et cuirassé de Probus à droite vu de 3/4 en avant (Buste Bastien : B) sauf pour la 4eme officine qui frappe avec un buste consulaire (Buste Bastien : H2).  La  titulature PROBVS PF AVG est invariable pour cette série de monnaies. Les officines frappent un seul type de revers. Voici un résumé des exergues des sept officines de la 7ème émission de l'atelier de Rome avec leur types de revers :


En effet, si on aligne les monnaies de cette émission en  les plaçant par ordre croissant d'officine, de la première jusqu'à la septième, on constate en observant les deuxièmes lettres d'exergues qu'elles forment le mot AEQVITI. Ce mot peut se traduire par "le juste", ou celui qui rend l'équité. Ceci ne peut pas être le fruit du hasard. C'est ce surnom qu'avait choisi l'armée pour désigner Probus, leur général, honorant ainsi sa droiture dans l'administration et le commandement militaire et qualifier sa façon juste de gérer ses hommes (Abrégé des Césars 36,2). D'autres numismates émettent l'hypothèse que ce mot serait issu du surnom  donné à Probus dans l'armée, en rapport avec sa fonction de chef des cavaliers (Equites).


 RAA à l'exergue R pour Rome, A pour 1ère lettre de AEQVITI, A marque de la 1ère officine


 REB à l'exergue R pour Rome, E pour 2eme lettre de AEQVITI, B marque de la 2eme officine


RQΓ à l'exergue R pour Rome, Q pour 3eme lettre de AEQVITI, Γ marque de la 3eme officine


RIε à l'exergue R pour Rome, I pour 5ème lettre de AEQVITI, ε marque de la 5ème officine


 RTς à l'exergue R pour Rome, T pour 6ème lettre de AEQVITI, ς marque de la 6ème officine


RIZ à l'exergue R pour Rome, I pour 7ème lettre de AEQVITI Z marque de la 7ème officine


A - Début de la carrière militaire de PROBUS (19 Août 232-Septembre 276 ap. J.C)


Probus (Marcvs Aurelivs Probvs) est né le 19 Août 232 ap. J.C. à Sirmium, la capitale de la Pannonie (Serbie) à la fin du règne d'Alexandre Sévère. La famille originaire de cette même cité, fait partie de la plèbe. On sait que sa naissance est plus illustre du côté de sa mère que du côté paternel. Son père, Maximus, originaire de Dalmatie, était un "centurion" selon les écrits d'Aurélius Victor (Les Césars : Probvs, XXXVII) qui, s'étant acquitté honorablement de cet emploi, passa au grade de tribun. Il mourut en Egypte. D'autres sources rapportent qu'il était simple agriculteur. Rien dans les écrits anciens ne nous renseigne sur son mariage car les faits historiques rapportés par les écrivains antiques sur cette période sont presque inexistants.

Aurélianus de Probvs, Rome, 278 ap. J.C. (3ème émission, 6ème officine)

Probus, sans doute fils d'officier, embrassa la carrière militaire et s'y distingua par la pureté de ses mœurs, par la droiture de son caractère, autant que par sa bravoure :

  • Sous Valérien Ier, son courage exceptionnel au combat le fait remarquer par l'empereur comme un jeune combattant valeureux et méritant. Valérien le fait nommer "tribun" à 22 ans, passant sa faveur au dessus des lois d'Hadrien comme le signale cette lettre de Valérien tirée des archives impériales : 
"D'après l'opinion que j'ai toujours eue du jeune Probus et le témoignage des citoyens les plus honorables, qui l'appellent l'homme de son nom, je l'ai nommé tribun, contrairement à la constitution du divin Hadrien, et je lui ai confié six cohortes de Sarrasins, les auxiliaires gaulois et la troupe de Perses que nous a amenée le Syrien Artabassès."

Il reçut les dons militaires, couronnes, hausse-cols, bracelets et eut l'honneur de la couronne civique, ayant délivré des Quades, Valérius Flaccus, parent de l'empereur. Il le plaça à la tête de la IIIème légion pour le récompenser de sa bravoure. Probus se fit la réputation de plus vaillant officier de l'armée romaine, montant le premier sur les murs des villes assiégées, arrachant et forçant les retranchements des camps ennemis, tuant de sa main dans les batailles tous ceux qui osèrent se mesurer à lui ; l'histoire cite (Vopiscius, Prob 9) un certain Aradion en Afrique, homme de courage contre lequel Probus se battit et sortit vainqueur. Il dressa  alors un beau monument pour honorer la valeur de celui qu'il venait de tuer.
      • Sous Gallien, il prend part aux campagnes contre les Germains et les Sarmates. Il mène en Afrique des expéditions contre les Marmarites (Lybie) et contre les brigands qui infestent les environs de Carthage. Il commande alors la IIIème légion Felix et la IIIème légion Italica. Son rôle de commandeur militaire s'étoffe.
      • Sous Claude II le Gothique, il fut estimé et l'empereur employa Probus pour ses valeurs militaires. Vopiscius écrit même qu'ils étaient parents.
      • Sous Aurélien, il obtient le commandement de la Xème légion Germina, prouvant que son action militaire fut appréciée et reconnue. Il fut chargé par Aurélien de reconquérir l'Egypte en battant les lieutenants de Zénobie, pendant que l'empereur poussait lui-même la guerre en Orient contre la reine. 
      Une lettre d'Aurelien confiant la Xème légion à Probus nous montre toute l'estime que l'empereur avait pour lui :

      "Aurélien Auguste à Probus. Afin que vous sachiez à quel point je vous estime, recevez le commandement de la Xème légion que Claude m'avait donné à gouverner. Ce corps est heureux : il semble que sa prérogative singulière soit de n'avoir pour commandant que de futurs Empereurs."

      On rapporte qu'il était aimé de ses troupes, apaisant souvent les redoutables colères d'Aurélien à leurs égard, visitant chaque compagnie pour se rendre compte de l'état de leurs habits ou de leurs chaussures. Non seulement équitable, il était généreux envers ses soldats, leurs abandonnant les butins de guerre précieux, ne gardant que les armes. Il fallut que ses soldats insistent pour qu'il accepta un cheval d'une grande robustesse pris aux Alains, qui semblait être bâti pour faire de long trajet ; Probus rétorqua "qu'un pareil cheval convenait mieux à un fuyard qu'à un brave". Mais devant tant d'insistance, il finit par accepter la monture digne d'un chef. Jamais il ne laissa oisifs ses soldats, lorsqu'ils n'étaient pas en guerre, les assujettissant à des travaux publics continuels, disant "qu'il ne fallait pas leur faire manger gratuitement le pain que l'empire leurs donnait.
      • Sous Tacite, empereur après la disparition brutale d'Aurélien, Probus est nommé commandant en chef (général) de l'armée d' Orient. Lorsque Tacite meurt à Tyane (juin ou juillet 276) où il combattait les Goths en Asie mineure, les soldats  de Probus qui lui sont entièrement dévoués, reconnaissent en lui ces qualités de commandant et lui confèrent le rôle ultime du pouvoir en l'acclamant empereur à la même date.
      Probus ne se prêta qu'avec répugnance à l'ardeur des troupes pour son élévation. Ecrivant à Capiton, son préfet du prétoire : 

      "Je n'ai jamais désiré l'empire et je ne l'ai reçu que malgré moi. Il faut que je soutienne le rôle que les troupes m'ont imposé."

      Mais le Sénat avait ratifié Florien, le frère de Tacite, s'étant arrogé le pouvoir sous prétexte d'hérédité. Le fait que deux princes furent élus créa une rupture dans l'empire : Rome et l'occident reconnurent Florien et Probus avait pour lui la Syrie, l'Égypte et les provinces voisines. Une courte guerre civile s'engagea : Florien avança jusqu'à Tarse en Cilicie, laissant la cause publique avec le combat des Goths, pour marcher contre son adversaire. Probus vient à sa rencontre sans se hâter de livrer bataille, sachant bien que les troupes européennes de Florien ne pourraient pas endurer les chaleurs du climat. Il eut raison car, en effet, la maladie et la chaleur furent les causes de l'affaiblissement des troupes de son concurrent. Lorsqu'ils tentèrent le combat, les troupes se détachèrent de Florien et finirent par l'assassiner en Septembre 276 ap. J.C. En se soumettant ils laissaient ainsi les rennes du pouvoir entre les mains de Probus.

      N'ayant plus de concurrent  et se voyant reconnu par l'armée de Florien comme par la sienne, Probvs écrivit une lettre au Sénat pour obtenir sa confirmation :

      "Messieurs, rien n'est plus conforme, à l'ordre, que ce qui se passa l'année dernière, lorsque votre clémence donna un chef à l'univers, le choisissant dans votre compagnie, qui est elle-même chef du monde entier, qui l'a été dans vos prédécesseurs, et le sera dans votre postérité. Plût aux dieux que Florien eût voulu attendre votre décision, et qu'il ne se fût pas arrogé l'empire comme par droit de succession ! Soit que votre majesté l'eût nommé, ou qu'elle en eût nommé un autre, votre jugement aurait été une loi pour nous. Mais dans la nécessité de résister à un usurpateur, mon armée m'a déféré le nom d'Auguste ; et même les plus sages d'entre les soldats ont puni son usurpation par la mort. C'est à vous à juger si je suis digne de l'empire, et je vous prie d'en ordonner tout ce que votre clémence jugera plus convenable."

      Suite à cette lecture au Sénat, Manlius Statianus, premier opinant, prit la parole, et dans un discours élogieux il demanda aux dieux que Probus gouvernât la République comme il l'avait servie. On lui donna les noms de César et Auguste, le commandement proconsulaire, le titre de Père de la Patrie, le souverain Pontificat, le droit de proposer dans le Sénat trois matières différentes de délibération et la Puissance Tribunitienne. Probus laissa au Sénat l'administration pleine et absolue du civil et ne prit que le commandement militaire.

      Probus fut le meilleur homme de guerre de son temps apprécié de tous. Il réussira dans ses entreprises militaires à mettre un coup d'arrêt aux invasions barbares mais au prix d'une discipline de fer dans ses armées.


       Florien, portrait de l'atelier de Rome.